Rencontre avec… Ferréole Lespinasse, experte en sobriété éditoriale
Interview
Des contenus performants pour respecter la charge mentale de vos publics, réduire l’empreinte écologique du web et faire gagner en efficacité votre communication : c’est l’ambition de la sobriété éditoriale, telle que la conçoit Ferréole Lespinasse. Ensemble, nous avons parlé de surcharge informationnelle, d’utilité des contenus en ligne, et de responsabilité de la communication.
La sobriété éditoriale, c’est quoi ?
Nous sommes actuellement confrontés à une surcharge d’informations, souvent décrite comme une « obésité informationnelle ». Dans un ouvrage récent, Benoît Raphaël évoque même un « dérèglement informationnel ». Cette saturation touche tous les publics, comme en témoignent ces chiffres : selon une étude de la Fondation Jean-Jaurès, 53 % des Français souffrent de fatigue informationnelle, ce qui conduit 72 % d’entre eux à cesser de consulter les informations. Ce dysfonctionnement informationnel se révèle contre-productif pour l’efficacité de la communication. Ainsi, dans un tel contexte, la sobriété éditoriale propose d’interroger les origines de ce dysfonctionnement.
Cette approche prend en considération les besoins des utilisateurs. Elle évalue l’utilité d’un contenu en fonction de son utilité pour le public et de son efficacité pour la communication de l’organisme émetteur. Concrètement, la sobriété éditoriale se pose des questions : ce contenu est-il réellement utile ? Quelle sera son utilité pour le lecteur ? Ma communication est-elle efficace pour ma structure, et quels sont les effets si je ne communique pas ? Elle interroge également la pertinence : suis-je sur la plateforme la mieux adaptée à mon public ? Elle prend en compte le format, cherchant à choisir des formats moins énergivores. L’objectif de tout cela est de préserver une expérience de qualité pour l’utilisateur. Par exemple, concernant l’empreinte environnementale des vidéos, on se demande si leur utilisation est justifiée au regard du message à transmettre et si elles favorisent l’accessibilité et l’inclusivité. L’idée est d’adopter une approche de renoncement en se demandant ce qui peut être supprimé dans la production de contenu, tout en testant ce renoncement pour distinguer ce qui est superflu de ce qui est nécessaire. Cette démarche invite à ralentir la production de contenu.
Un autre aspect important est de piloter le cycle de vie du contenu : comment entretenir le contenu pour le faire durer le plus longtemps possible et envisager sa suppression lorsque nécessaire. Pour approfondir la sobriété éditoriale, j’ai élaboré un référentiel avec un livre comprenant 50 bonnes pratiques pour l’éco-conception de contenus et une liste de règles pour valider ces contenus.
Le secteur de la communication fait-il preuve de sobriété éditoriale ?
L’adoption de la sobriété éditoriale n’est pas toujours évidente, car elle remet en question un modèle dominant : la surproduction de contenu. De nombreuses personnes sont habituées à suivre un calendrier éditorial et à publier quotidiennement. Ainsi, cela demande une réelle volonté de la part de l’entreprise de s’engager dans l’éco-conception. Heureusement, les entreprises engagées dans la responsabilité sociale des entreprises (RSE) commencent à prendre en compte cette approche. Cependant, comme toute approche impliquant un renoncement, elle est souvent plus délicate à mettre en œuvre. Actuellement, ce sont principalement les collectivités qui l’adoptent, en partie grâce à la loi de Réduction d’Empreinte Environnementale du Numérique (loi REEN), qui exige des collectivités de plus de 250 000 habitants qu’elles mènent une politique de numérique responsable.
Comment mesurer la sobriété ?
Il existe plusieurs façons de mesurer la sobriété éditoriale. Lorsqu’on aborde l’éco-conception, il est nécessaire d’utiliser des indicateurs différents des indicateurs classiques, car on ne peut pas se contenter de mesures purement quantitatives. Personnellement, je propose de montrer comment mesurer « le moins ». Par exemple, je mesure le nombre de contenus optimisés et le nombre de contenus supprimés. L’idée est de démontrer que « moins » peut signifier « plus », car entretenir ou supprimer un contenu peut également améliorer le référencement lorsqu’un contenu est obsolète.
La sobriété éditoriale peut-elle changer le monde ?
Les contenus peuvent contribuer à changer le monde en aidant les publics à mieux comprendre l’information aujourd’hui. Comme mentionné précédemment, nous sommes confrontés à une ère d’info-obésité, ce qui rend difficile la distinction entre le vrai et le faux. Cela compromet notre capacité à prendre des décisions éclairées. Ainsi, les contenus peuvent jouer un rôle crucial en clarifiant les informations, en les rendant accessibles et en les simplifiant sans pour autant sacrifier la qualité. L’objectif est d’améliorer l’accès à l’information pour permettre à chacun de s’informer et de comprendre les enjeux. Cela implique de redonner aux contenus une véritable valeur informative et de les libérer d’une vision utilitariste qui les réduirait à des outils de promotion destinés uniquement à obtenir des « likes » sur Internet. Par conséquent, les communicateurs doivent adopter une approche éthique dans leur démarche.
En savoir plus sur l’offre de La Netscouade en matière d’éco-conception et de sobriété numérique.
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