Rencontre avec Max Laulom et les dessous de son format « 4 Jeunes qui votent différemment »

Interview

Faire d’un groupe WhatsApp un espace d’échanges apaisés pour immortaliser les fragments de vie de quatre jeunes, en pleine période politique mouvementée, voici le pari du créateur de contenu et reporter Max Laulom. Sa série « 4 Jeunes qui votent différemment » avait pour ambition de faire des dernières élections législatives une expérience collective, centrée sur le vote des jeunes. Nous l’avons rencontré pour mieux comprendre les coulisses de ce contenu, devenu son format signature.

Comment est né ce projet ?

“Je suis un grand fan des films à la Claude Lelouch, où des destins liés se croisent, où des personnes qui n’ont a priori rien en commun se retrouvent connectées. Cela m’a toujours profondément touché. En parallèle, j’avais cette envie de créer quelque chose qui rappelle les petites capsules de l’INA, du genre « C’était quoi la vie en 1970 ? ». J’aimerais qu’on puisse, dans 30 ans, se demander : « C’était quoi la vie en 2023 ? ». J’avais donc crée ce format pour mon podcast « 2023 », qui réunissait quatre jeunes qui avaient des vies complètement différentes dans un même groupe WhatsApp : il y avait une agricultrice, un journaliste politique, une militante écologiste et un étudiant. Pendant un an, sur le même format, ils ont discuté toutes les semaines en note vocale dans le groupe, en parlant de l’actualité, de leur vie, de leurs problématiques personnelles. Ce format permettrait alors de revivre semaine après semaine les événements de cette année : la réforme des retraites, les méga-bassines, ou encore des histoires plus personnelles, comme celle d’une participante racontant son avortement. Ce sont de véritables fragments de vie qui retracent le quotidien d’une année entière et offrent un aperçu de comment les gens la vivaient.

Face à la situation politique exceptionnelle que nous traversons, je ressentais l’urgence d’immortaliser ces moments d’une manière ou d’une autre. Je ne pouvais pas passer à côté de cela. Dans cette période que l’on qualifie de fragmentée, divisée, où les dialogues semblent se rompre, j’avais envie de retrouver la mécanique des échanges vocaux que j’avais développée pour ce précédent podcast. Mon objectif était de créer un espace de débats apaisé, à l’opposé des confrontations télévisées, où chacun aurait le temps de réfléchir, d’enregistrer ses notes vocales sans réaction à chaud ni interruption. Je voulais sortir de la posture verticale du journaliste ou de l’expert, pour privilégier un échange horizontal où les auditeurs peuvent s’identifier.”

Pourquoi avoir choisi WhatsApp pour ce format ?

Je voulais que ce projet prenne la forme de capsules pour les réseaux sociaux. J’ai donc commencé à chercher des profils tout en développant une maquette de montage pour donner une forme à ces conversations. Très vite, j’ai eu envie de créer une passerelle simple pour que les gens puissent rejoindre ce groupe WhatsApp. J’ai repris l’esthétique propre à WhatsApp, en intégrant des illustrations pour accompagner le visionnage. Tout cela s’est mis en place très rapidement, car je ressentais une véritable urgence à le faire.

WhatsApp, à mes yeux, est l’application la plus transclasse et transgénérationnelle. Tout le monde l’utilise, contrairement à d’autres réseaux sociaux. C’est une plateforme extrêmement large et accessible, en termes de catégories socio-professionnelles et de générations, ce qui la rend universellement identifiable. C’est pourquoi elle me semblait être le meilleur outil pour aborder ce projet.

Comment as-tu sélectionné les quatre participants ?

J’ai lancé un appel à candidatures sur mon compte Instagram en story.. Plusieurs personnes m’ont répondu, sauf pour un parti : le Rassemblement National (RN). Avec Capucine, qui travaille avec moi, nous avons fouillé les commentaires des publications TikTok de Jordan Bardella. Nous avons contacté une cinquantaine de profils, puis effectué une sélection pour n’en garder qu’un seul, celui de Celtina. Pour les autres participants, ceux qui m’avaient contacté directement, nous les avons appelés pour comprendre qui ils étaient, d’où ils venaient, et quelles étaient leurs motivations politiques.

Nous avions deux profils assez politisés, qui ont alimenté les conversations avec des arguments moteurs, et deux autres dont les points de vue étaient tout aussi intéressants pour représenter une partie de la société. Tous se sont prêtés au jeu dès le début, et je les en remercie encore.

Un moment particulier t’a-t-il marqué lors de ces échanges ?

Ce qui m’a vraiment interpellé, ce sont peut-être les petits moments de complicité entre ces quatre personnes, qui ne se connaissaient pas et qui se faisaient des blagues. Il y a par exemple un épisode bonus où ils se vannent en racontant qu’ils ont pleuré lors des résultats du premier tour, mais pas pour les mêmes raisons. Ces moments de légèreté faisaient du bien, surtout dans un contexte où l’on a l’impression que plus personne ne peut s’entendre.

Ces instants apportaient un peu d’humanité dans une période si complexe et fragmentée. Cela m’a touché, voire rassuré, comme une sorte de thérapie. Si les participants ne partageaient pas les mêmes opinions, ils se respectaient au moins en tant que personnes, et c’était vraiment précieux.

Comment as-tu maintenu la neutralité dans le choix des extraits ?

Ça a été un véritable exercice d’équilibriste. Il s’agissait de ne pas mettre en avant des arguments politiques, mais plutôt des expériences personnelles, des ressentis, des émotions. Mon objectif était d’être équitable entre les différents protagonistes, sans chercher à être totalement neutre, mais en veillant à donner à chacun la même place. Il n’y a pas eu tant de débats de fond, mais plutôt des expressions de vécus, de postures, de vies quotidiennes, des ressentis face à la société. C’est cela qui m’intéressait vraiment. Le podcast offre un aperçu de la société française aujourd’hui, à travers la loupe de ces quatre jeunes. Évidemment, mon échantillon n’est pas représentatif de tout le monde, mais il permet de saisir comment cette situation politique est vécue par une partie de la jeunesse en 2024.

Penses-tu que mettre en avant les émotions et les ressentis a aidé les auditeurs à s’attacher aux personnages ?

C’était effectivement l’objectif : créer une sorte de feuilleton autour de ces échanges. Je voulais que les auditeurs se disent : « Regardez, vous n’êtes pas seuls, tout le monde traverse ces débats. Vous n’êtes pas les seuls à vivre cette actualité si particulière, on la vit tous ensemble. » C’était une manière de sortir du vécu individuel de l’actualité pour en faire une expérience collective. Montrer que, partout en France, les mêmes discussions, interrogations et débats animent les gens. Suivre ces jeunes au fil des épisodes permet de s’identifier, de réagir, de cerner les personnages, et donc de s’engager davantage vis-à-vis du contenu, un peu comme on suivrait une série. L’idée est de ne pas vivre cet épisode politique tout seul, face à son algorithme.

Quels sont tes projets futurs ?

Ce travail, qui a débuté en 2022 avec la préparation du podcast, est devenu l’un de mes formats signature. C’est un format que je souhaite explorer et approfondir encore davantage. Ce n’est que le début ! Il y aura des déclinaisons, en audio, en vidéo, et sur diverses thématiques. On n’en est qu’au pilote, aux prémices de tout ça. Je vais continuer à l’exploiter à fond, car je trouve ce sujet fascinant.

Par ailleurs, je prépare une enquête sur les réseaux d’aides à l’euthanasie clandestine en France, qui devrait sortir fin 2024, au moment où le projet de loi sur la fin de vie arrivera probablement à l’Assemblée. Cela ouvrira une séquence politique et médiatique autour de ce sujet. J’ai également d’autres documentaires en cours, notamment sur les États-Unis et les élections à venir.

Nous vous conseillons très fortement de suivre Max sur Instagram où il partage tous ses projets, et sur YouTube pour découvrir ses longs formats !

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