Comment parler des sciences sur TikTok ?
Tutoriel
Parler de sujets scientifiques est-il soluble dans le magma dansant, récréatif et godiche de TikTok ? C’est ce que l’on va étudier ici.

Avec ses 20 millions d’utilisateurs actifs en France, TikTok est actuellement l’application à la croissance la plus importante. Depuis ses débuts fin 2016 et son utilisation pour des vidéos de danse et de karaoké, l’appli a bien changé. Son public vieillit et les lignes éditoriales se sont enrichies, avec l’arrivée de médias, de marques, d’institutions ou de personnalités politiques.
Si le divertissement est toujours de rigueur, TikTok permet aussi de concevoir et de diffuser des contenus à portée pédagogique. La concision du format (moins de 60 secondes jusqu’à récemment) a révolutionné la façon de mener une expérimentation ou d’aborder l’actualité scientifique. C’est qu’il faut être imaginatif pour vulgariser la physique quantique ou présenter un programme spatial à un public atteint de troubles de l’attention et pas forcément cortiqué.
Voici une étude des contenus publiés depuis le mois d’août dans la sphère francophone. Pour ce faire, nous avons relevé les contenus référencés via les hashtags #TikTokAcadémie, pour le plus généraliste, #sciencetok, #edutok ou #vulgarisation, pour plus de précisions et enfin, pour un domaine scientifique bien défini, des hashtags plus explicites comme #astronomie, #médecine ou #physique. Pour éviter de se disperser et d’être noyé par des contenus trop variés, un focus particulier est fait au domaine du spatial et de l’astronomie. Ainsi, une autre étude à part entière pourrait être consacrée à la médecine (avec, par exemple, le cardiologue Dr TikTok et 565 000 abonnés).
L’écosystème de l’info scientifique
On distingue 4 types d’émetteurs.
Les médias généralistes qui, parmi de nombreux contenus, évoquent les sujets scientifiques les plus médiatiques. Ces dernières semaines, pour circonscrire notre étude au spatial, les actualités les plus relayées ont trait à la mission DART (un crash volontaire d’une sonde sur une astéroïde pour évaluer la possibilité de dévier sa trajectoire), à la prochaine mission lunaire Artemis et à des actualités des lancements (avec des vidéos forcément impressionnantes). Généralement très suivis, leurs contenus sont les plus visibles. Voici trois exemples où l’on constate que les pure players sont les plus suivis :
- Hugo Décrypte (3,2 millions d’abonnés) et sa vidéo sur la mission DART.
- Brut (2,6 millions d’abonnés) et sa vidéo consacrée aux explications scientifiques nouvelles sur la formation de la Lune.
- Le Monde (666 000 d’abonnés) et sa vidéo sur l’exploration de la Lune.
Les médias scientifiques :
- Curieux, média créé à l’initiative de l’association NACSTI (Nouvelle Aquitaine Culture Scientifique Technique Industrielle) avec une ligne éditoriale qui navigue entre les thématiques santé, sciences et environnement (1,8 million d’abonnés).
- Futura Étoiles, la verticale spatiale de Futura (42 000 abonnés) et sa production régulière de contenus (2 à 3 vidéos par semaine) ;
- Sciences et Vie TV (205 000 abonnés), inactif depuis octobre 2021 avec des extraits d’émissions TV… sans respect apparent des droits d’auteur – on revient sur ce sujet plus tard.
Les vulgarisateurs scientifiques :
- Dr Nozman (1,6 million d’abonnés). Déjà très suivi sur Youtube, il a investi TikTok en 2019, avec des vidéos qui peuvent cumuler jusqu’à 7 millions de vues !
- gdelaculturegeek (455 000 abonnés) et sa ligne éditoriale 100% astronomique. Il duplique ses contenus sur Youtube Shorts où ce sont les vidéos les plus plébiscitées de sa chaîne ;
- Scienthistorique (66 000 abonnés) avec une vidéo hebdomadaire sur une actualité scientifique, souvent spatiale.
Et les institutions ? Le CNRS, l’Inserm ou l’INRA ne sont pas encore présents ou actifs. Le CNES (l’agence spatiale française) est pour l’instant la seule institution scientifique active, depuis février 2021. La production irrégulière des premiers mois (avec des contenus liés à une mission martienne et à la mission Alpha de Thomas Pesquet) a fait place à une ligne éditoriale plus soutenue et des contenus liés à l’actualité spatiale. Ces derniers mois : le Congrès international d’astronautique (IAC), la mission DART ou l’anniversaire de la mission Cassini. À suivre ici !

Spécificité de TikTok : l’amplitude des vues entre les différentes vidéos d’un même compte. Ainsi, les contenus d’un Dr Nozman peuvent varier de 30 000 à 7 millions de vues, soit un écart de 1 à 230 ! Les mêmes chiffres peuvent être constatés chez les médias généralistes comme chez les vulgarisateurs scientifiques. Magie de l’algorithme…
Quels types de contenus ?
Dans un fil Twitter publié le 6 septembre 2022, Julien Bobroff, physicien et professeur à l’Université Paris-Saclay, actif sur TikTok depuis mars 2022 et fort de ses 150 000 abonnés, est revenu en détails sur son expérience et sur les différents formats qu’il a pu expérimenter.
Sa liste est assez exhaustive sur les typologies de vidéo qu’on peut regarder : fun facts, expérience scientifique, explication d’un concept scientifique, anecdote historique, commentaire et réaction à une vidéo scientifique, top 5, commentaire d’actualité scientifique, explication d’un article scientifique ou biographie express d’un chercheur. Et, pour le côté interactif : la réponse à une question d’un abonné.

Pour cette dizaine de contenus possibles, trois formats sont privilégiés :
- Le face cam agrémenté de vidéo tierce. C’est le contenu phare et le plus aisé à créer grâce à l’appli de montage intégré qui permet (assez facilement) d’empiler plusieurs pistes vidéo, d’ajouter des textes ou des stickers et des musiques.
- L’animation motion design. Plus rare, elle est surtout utilisée par les médias comme Le Monde qui bénéficie de motion designer dans ses équipes et qui peut recycler des contenus destinés à d’autres plateformes.
- Le vol de contenus. Pour l’instant assez rare dans la sphère de vulgarisation scientifique francophone, le vol de contenus est fréquent sur TikTok. Il s’agit d’un duplicata d’une vidéo existante, parfois enrichie d’un commentaire audio généré par une intelligence artificielle. On retrouve ce contenu sur un compte comme Astronomie.com (16 500 abonnés) avec des extraits de vidéos promotionnelles d’acteurs du spatial comme Virgin Galactic ou des découpages de l’entretien entre McFly & Carlito et Thomas Pesquet. Aucune valeur ajoutée. Du simple vol.
Un dernier format, pour l’instant peu exploité, mais qui pourrait se développer avec l’annonce de TikTok de développer son interface de régie vidéo du type OBS (avec possibilité de créer facilement des scènes, d’ajouter des widgets…) : les émissions en direct. Cela offrirait la possibilité d’organiser des expériences en direct ou d’organiser des quiz interactifs. Affaire à suivre.
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